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sexta-feira, março 11, 2005

Alicerçando Palavras # 51 - Edgar Morin


1. ENRACINEMENT - DERACINEMENT HUMAIN

Nous devons reconnaître notre double enracinement dans le cosmos physique et dans la sphère vivante, en même temps que notre déracinement proprement humain. Nous sommes à la fois dans et hors de la nature.

1.1 La condition cosmique

Nous avons récemment abandonné l’idée d’un Univers ordonné, parfait, éternel pour un univers né dans le rayonnement, en devenir dispersif, où jouent de façon à la fois complémentaire, concurrente et antagoniste, ordre, désordre et organisation.
Nous sommes dans un gigantesque cosmos en expansion, constitué de milliards de galaxies et de milliards de milliards d'étoiles, et nous avons appris que notre terre était une minuscule toupie tournant autour d'un astre errant à la périphérie d'une petite galaxie de banlieue. Les particules de nos organismes seraient apparues dès les premières secondes de notre cosmos voici (peut-être ?) quinze milliards d’années, nos atomes de carbone se sont constitués dans un ou plusieurs soleils antérieurs au nôtre ; nos molécules se sont groupées dans les premiers temps convulsifs de la Terre ; ces macromolécules se sont associées dans des tourbillons dont l'un, de plus en plus riche dans sa diversité moléculaire, s'est métamorphosé en une organisation de type nouveau par rapport à l'organisation strictement chimique : une auto-organisation vivante.
Cette épopée cosmique de l'organisation, sans cesse sujette aux forces de désorganisation et de dispersion, est aussi l'épopée de la reliance, qui a seule empêché le cosmos de se disperser ou s'évanouir aussitôt né. Au sein de l'aventure cosmique, à la pointe du développement prodigieux d'un rameau singulier de l'auto-organisation vivante, nous poursuivons à notre façon l'aventure.

1.2 La condition physique

Un peu de substance physique s'est organisé de façon thermodynamique sur cette terre ; à travers trempage marin, mijotage chimique, décharges électriques, elle y a pris Vie. La vie est solarienne : tous ses constituants ont été forgés dans un soleil et rassemblés sur une planète crachée par le soleil ; elle est la transformation d'un ruissellement photonique issu des flamboyants tourbillons solaires. Nous, vivants, constituons un fétu de la diaspora cosmique, quelques miettes de l'existence solaire, un menu bourgeonnement de l'existence terrienne.

1.3 La condition terrestre

Nous faisons partie du destin cosmique, mais nous y sommes marginaux : notre Terre est le troisième satellite d'un soleil détrôné de son siège central, devenu astre pygmée errant parmi des milliards d'étoiles dans une galaxie périphérique d'un univers en expansion...
Notre planète s'est agrégée il y a cinq milliards d'années, à partir probablement de détritus cosmiques issus de l'explosion d'un soleil antérieur, et il y a quatre milliards d'années l'organisation vivante a émergé d'un tourbillon macromoléculaire dans les orages et les convulsions telluriques.
La Terre s'est autoproduite et auto-organisée dans la dépendance du soleil ; elle s'est constituée en complexe biophysique à partir du moment où s'est développée sa biosphère.
Nous sommes à la fois des êtres cosmiques et terrestres.
La vie est née dans des convulsions telluriques, et son aventure a couru par deux fois au moins le danger d'extinction (fin du primaire et cours du secondaire). Elle s'est développée non seulement en espèces diverses mais aussi en écosystèmes où les prédations et dévorations ont constitué la chaîne trophique à double visage, celui de vie et celui de mort.
Notre planète erre dans le cosmos. Nous devons tirer les conséquences de cette situation marginale, périphérique, qui est la nôtre.
En tant qu’êtres vivants de cette planète, nous dépendons vitalement de la biosphère terrestre ; nous devons reconnaître notre très physique et très biologique identité terrienne.

1.4 L’humaine condition

L’importance de l’hominisation est capitale pour l’éducation à la condition humaine, car elle nous montre comment animalité et humanité constituent ensemble notre humaine condition.
L’anthropologie préhistorique nous montre comment l'hominisation est une aventure de millions d'années, à la fois discontinue - advenue de nouvelles espèces : habilis, erectus, neanderthal, sapiens, et disparition des précédentes, surgissement du langage et de la culture - et continue, dans le sens où se poursuit un processus de bipédisation, de manualisation, de redressement du corps, de cérébralisation5, de juvénilisation (l'adulte conservant les caractères non spécialisés de l'embryon et les caractères psychologiques de la jeunesse), de complexification sociale, processus au cours duquel apparaît le langage proprement humain en même temps que se constitue la culture, capital acquis des savoirs, savoir-faire, croyances, mythes, transmissibles de génération en génération…
L'hominisation aboutit à un nouveau commencement. L'hominien s’humanise. Désormais, le concept d'homme a double entrée ; une entrée biophysique, une entrée psycho-socio-culturelle, les deux entrées se renvoyant l'une à l'autre.
Nous sommes issus du cosmos, de la nature, de la vie, mais du fait de notre humanité même, de notre culture, de notre esprit, de notre conscience, nous sommes devenus étrangers à ce cosmos qui nous demeure secrètement intime. Notre pensée, notre conscience, qui nous font connaître ce monde physique, nous en éloignent d'autant. Le fait même de considérer rationnellement et scientifiquement l'univers nous en sépare. Nous nous sommes développés au-delà du monde physique et vivant. C'est dans cet au-delà que s'opère le plein déploiement de l'humanité.
A la façon d'un point d'hologramme, nous portons au sein de notre singularité, non seulement toute l'humanité, toute la vie, mais aussi presque tout le cosmos, y compris son mystère qui gît sans doute au fond de la nature humaine. Mais nous ne sommes pas des êtres que l'on pourrait connaître et comprendre uniquement à partir de la cosmologie, de la physique, de la biologie, de la psychologie…

(...)



Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur - Chapitre III – Enseigner la Condition Humaine