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domingo, maio 01, 2005

Alicerçando Palavras # 62 - Jean Baudrillard


(...)

C'est une étrange sensation que l'on vit de retour vers le passé, où l'on voit les grands événements de notre époque être blanchis. Cela démontre quelque part que l'histoire est cyclique?...
Ah non! Non, non, ce n'est pas un cycle, ce n'est pas le retour d'un cycle, ce n'est pas une éternité qui se reproduirait. Non! C'est véritablement un retour en arrière. Ce n'est pas une régression non plus, parce que ça voudrait dire qu'elle est aussi linéaire, comme la progression. Nous ne sommes plus dans un temps linéaire, nous sommes peut-être dans un temps un peu chaotique, où il y a des récurrences, des turbulences, etc. Mais non, non, ce n'est certainement pas un temps cyclique, ce n'est plus le temps linéaire, continu et projectif de l'histoire traditionnelle.
Alors, sommes-nous encore dans l'histoire? De l'histoire il n'y a pas de définition, elle n'est pas aussi vieille que ça, il faut dire que les bases simplement théoriques de l'histoire ne sont vieilles que de quelques siècles. Peut-être que ces postulats ont cessé d'exister et, qu'à ce moment-là, c'est autre chose qui a lieu, c'est-à-dire une perte de polarité du temps, une forme aussi d'accélération. Il y a trop d'événements, et l'histoire n'est pas définie par des événements, elle se nourrit quand même d'enjeux événementiels et maintenant, avec l'information et les médias, l'événement est multiplié; il est lui aussi centrifugé et projeté dans une diffusion mondiale, il est immédiatement répercuté et immédiatement volatilisé aussi d'une certaine manière. Il perd son sens dans sa diffusion même; ça c'est l'effet médiatique, c'est un effet de disparition. L'information, contrairement à ce qu'on croit, est une sorte de trou noir, c'est une forme d'absorption de l'événement, de diffusion, de transmission, c'est l'événement à haute dilution, il perd sa concentration, donc son sens.
Pour qui les événements ont-ils encore un sens? Et cela nous y sommes confrontés tous les jours. Les événements actuels, Yougoslavie, guerre du Golfe, etc., tout le monde a su, a été informé, superinformé et en fait n'en a rien su, parce que la véritable expérience d'un événement, ou le véritable sens qu'on peut en tirer, échappe finalement à tout le monde, puisqu'il se dilue dans une forme d'information généralisée. C'est une des formes, presque chaotique de notre univers, il y a une sorte d'accélération, et l'histoire meurt par l'accélération même, par la centrifugation des événements. Elle meurt aussi par ralentissement, mais là c'est plus compliqué, parce qu'au fur et à mesure que cette information tombe dans la masse, elle fait masse elle aussi. Tous les messages que nous recevons font masse, au sens où ils deviennent une forme de déchets inertes que nous n'arrivons plus à traiter ou à recycler... (rire).
Nous avons l'impression que l'information est fluide, qu'elle passe par des réseaux, qu'elle circule, c'est sa définition. Mais en réalité elle tombe, et là où elle tombe, elle reste, parce qu'elle n'est plus transfigurée, métabolisée, etc. On parle de déchets industriels évidemment, et matériels, mais il y a un énorme déchet informatif, communicatif, informationnel, qui est aussi une masse inerte, c'est une force d'inertie en quelque sorte, qui pèse sur l'événement même. Alors, soit par accélération, soit par inertie, l'histoire a bien du mal à passer au travers, au sens où elle ne peut exister que s'il y a, à la fois bien sûr, une énergie et une volonté historique, une possibilité de représentation de l'histoire, et c'est celle-là qui nous échappe un peu aujourd'hui. Les éléments qui forment l'histoire - y compris le récit qu'on peut en faire, parce qu'il n'y a pas d'histoire sans récit, sans possibilité de la narrer, de la réciter - nous échappent un peu aussi parce que l'information s'empare trop vite de ce qui se passe, cela passe de plus en plus par l'image et non plus par le texte, ou par des mémoires écrites, ou très peu et c'est trop fugace, trop volatile et cela se dilue dans un espace qui n'est plus tout à fait le nôtre.
Nous sommes passés au-delà de ces points dont parlait Queneti, quand il disait: "Peut-être que l'espèce humaine a franchi un point aveugle au-delà duquel rien n'est plus ni vrai, ni faux, ni historique, ni non-historique, et qu'au-delà on ne sait pas vraiment ce qui se passe, on ne connaît pas vraiment les règles du jeu". Bien sûr, il y a toujours plus d'événements, mais il ne suffit pas d'événements pour faire de l'histoire; il y a de plus en plus de violence, mais ce n'est plus une violence historique comme l'analysait Marx, nous avons affaire à autre chose. Au-delà de ce point, c'est un peu la panique; d'où, sans doute, l'impulsion collective de reculer, de retourner en arrière, pour essayer de retrouver le point en deçà duquel il y avait de l'histoire, il y avait de la vraie violence, si je puis dire (rire), où il y avait de véritables événements, où il y avait... des révolutions, des contradictions, enfin des choses qui faisaient qu'il y avait un enjeu, alors que maintenant il se passe beaucoup de choses, mais l'enjeu a un peu disparu à l'horizon de l'histoire.

(...)



In, Au-delà de la fin, extracto duma entrevista a Jean Baudrillard filósofo e sociólogo.